Volume 13, numéro 2, 2018

David Champagne et Georges-Henry Laffont

« Avant-propos : Villes hypermobiles, entre régulations sociales et construction de soi » (p. 15-25)

Sandrine Berroir, Hadrien Commenges, Jean Debrie, Juliette Maulat, Colette Bordedebat, Guillaume Blandeau, Esther Briend et Justine Lanon

« Dessine-moi une ville sans voiture : les aspirations en matière de mode de vie et de mobilité en Île-de-France » (p. 27-73)

Résumé : Dans un contexte de remise en cause de la place de l’automobile dans les mobilités urbaines, cet article rend compte des premiers résultats d’une recherche prospective visant à scénariser les conditions d’une Île-de-France Post-Car. À partir d’une entrée quantitative et qualitative des pratiques et aspirations en matière de mobilité et de modes de vie, l’article souligne la pluralité des pratiques de mobilité des Franciliens et de leurs idéaux, mais également des aspirations partagées à une amélioration des conditions de mobilité, de proximité et de ralentissement en contrepoint d’une hypermobilité urbaine. L’entrée par les aspirations permet alors de tracer un scénario partiel, mais partagé de réduction de la mobilité automobile en Île-de-France qui compose avec la diversité des idéaux, les contraintes territoriales et le schéma centre-périphérie des mobilités. Ces résultats contribuent ainsi aux débats sur la place de la voiture en ville et les conditions d’une transition des mobilités, en soulignant l’enjeu d’une différenciation territoriale des politiques de lutte contre la dépendance automobile.

Mots-clefs : prospective ; Post-Car ; mobilité ; modes de vie ; pratiques ; aspirations ; Île-de-France

Annie Ouellet

« Patrimonialisation et mise en tourisme : une double entrée pour questionner le rapport à l’espace et au temps » (p. 75-110)

Résumé : Cette contribution s’intéresse au double processus de mise en tourisme et en patrimoine des centres-villes « historiques », de même qu’à la coprésence des individus les habitant (de façon permanente ou temporaire), soit les résidents permanents et les touristes. Cette double entrée par le tourisme et par le patrimoine amène à nous interroger tout particulièrement sur les rapports à l’espace et au temps. Si la dimension spatiale des rapports sociaux que nous appréhendons demeure relativement constante, soit le centre d’une ville patrimonialisée et mise en tourisme, ce sont trois dimensions temporelles qui seront abordées comme autant d’angles d’analyse. Seront donc considérés le temps du quotidien (et du hors-quotidien (Équipe MIT, 2002)), le temps des saisons et le temps des « mémoires patrimoniales » (Morisset, 2009). Notre propos s’appuie, pour partie, sur un travail d’enquête mené dans les petites villes françaises de Sarlat (Dordogne) et Dinan (Côtes-d’Armor).

Mots-clefs : patrimonialisation ; mise en tourisme ; espace-temps ; temporalité ; coprésence

Laurence Iselin

« L’art outdoor comme facteur de modification de l’espace-temps urbain » (p. 111-143)

Résumé : Cet article propose une analyse philosophique des implications de l’implantation d’oeuvres d’art dans l’espace-temps urbain, par opposition à leur devenir au sein de l’espace muséal. En effet, le musée est un espace où nous plaçons des objets à l’abri de la corruption du temps. De ce point de vue, l’oeuvre d’art peut se définir comme un objet qui dure (Arendt, 1972). Notre hypothèse consiste donc à soutenir que les oeuvres d’art se définissent par une temporalité propre, ce qui, lorsqu’elles sont implantées dans l’espace public urbain, entraîne des modifications de sa temporalité et de ses usages. Après avoir déterminé la temporalité propre à l’oeuvre d’art, nous examinons dans quelle mesure l’implantation d’oeuvres d’art dans l’espace urbain modifie cet espace lui-même ainsi que l’expérience et les usages que nous en faisons. Enfin, nous nous demandons si le développement de l’art dans l’espace urbain n’occasionne pas un changement de paradigme, la notion d’accessibilité laissant place à celle de participation.

Mots-clefs : œuvre d’art ; musée ; espace urbain ; temporalités ; participation

Simon Lafontaine

« L’étrangeté du familier : pour un renouvellement de la théorie du monde social d’Alfred Schütz » (p. 145-183)

Résumé : La sociologie d’Alfred Schütz a le potentiel de saisir la complexité des rapports entre familiarité et étrangeté qui se tissent dans le quotidien des sociétés contemporaines. Néanmoins, ses analyses de la venue d’un étranger au sein d’un groupe, qu’on retrouve dans son fameux essai « L’étranger », rencontrent des difficultés appelant une reconstruction critique. Une relecture de ses thèses de fond sur la typification sociale et la connaissance familière met en évidence les limites du recours à l’idéal type du migrant, qui accorde une primauté à la relation externe à l’étrangeté. Cette approche du problème de l’appartenance surdétermine la conformité des pratiques et des routines à l’intérieur du groupe accueillant l’étranger sur son territoire. La prise en compte de l’altérité interne ouvre alors la discussion à l’étrangeté latente au sein du nous et du moi en revisitant des outils de la phénoménologie sociale.

Mots-clefs : étranger ; migration ; exclusion ; voyage ; altérité ; identité ; familier ; quotidien ; connaissance ; phénoménologie

Georges-Henry Laffont et Denis Martouzet

« L’affectif révélateur de l’« être-là » : éléments conceptuels, méthodologiques et empiriques » (p. 185-214)

Résumé : Cet article propose une synthèse de travaux menés depuis deux décennies sur la question du rapport à l’espace notamment dans sa dimension affective. Il en ressort que la connaissance du rapport affectif à l’espace, définie comme le résultat conjoint de l’interaction entre expériences (pratiques, pensées, actes manqués, émotions, etc., survenues en des lieux), leurs retraitements à travers les souvenirs et les projections, anticipations, permet de saisir la construction d’un « être-là » défini comme la synthèse, d’une part, de l’évaluation qualitative que l’individu fait de sa situation à un moment donné au regard de sa trajectoire et, d’autre part, de l’évaluation de ses capacités à maîtriser les distances entre sa localisation et les lieux et donc les liens qui comptent pour lui. Cet « être-là » signifie, au regard de ce qu’un individu est et/ou souhaite devenir, le maintien toujours remis en cause d’un triple équilibre dynamique : entre être à la bonne place et à la bonne distance, entre la part active du « faire avec » et sa part passive, entre un passé valorisé, dévalorisant, assumé ou rejeté et un futur souhaité ou craint.

Mots-clefs : être-là ; habiter ; affects ; faire avec ; espace/temps ; distance

Articles hors thème

Mélanie Girard et Simon Laflamme

« Le meurtre du partenaire intime chez les femmes au Canada selon qu’elles sont Autochtones ou non-Autochtones » (p. 217-263)

Résumé : Au Canada, en 2015, le taux de femmes accusées d’homicide était 31 fois plus élevé chez les Autochtones que chez les non-Autochtones. Cette statistique se répercute dans le meurtre du partenaire intime. Dans une étude récente, notre échantillon canadien de femmes maricides était composé à 55 % d’Autochtones. Cette surproportion nous a conduits à nous demander si les femmes autochtones, dans leur rapport au meurtre du partenaire intime, se distinguent des non-autochtones. Nos analyses reposent sur des documents décisionnels de la Commission des libérations conditionnelles et sur des transcriptions des audiences de meurtrières devant la Commission. Ces analyses portent sur des données quantitatives et textuelles. Elles montrent que ces femmes, sur plusieurs plans, ne sont pas différenciables en fonction de l’ethnie ; elles révèlent que, lorsque l’ethnie entre en jeu comme facteur de dissimilitude, c’est pour mettre en relief la marginalité d’un vécu amérindien, notamment dans le cadre des réserves.

Mots-clefs : meurtre du partenaire intime ; maricide ; ethnie ; Autochtones ; réserves

Claude Vautier

« Cette étrange pliure à partir de laquelle rien n’est plus pareil. La question de la contingence en sciences sociales : l’événement » (p. 265-291)

Résumé : Il est, en sciences humaines et sociales, une catégorie appelée événement qui, chassée comme le fut Candide du château de Thunder-ten-tronckh, fut, comme lui, obligée de faire un long voyage avant de retrouver droit de cité dans des domaines où elle réapparaît peut-être un peu plus circonscrite. Le but de cet article est de cerner au mieux le sens que peut prendre aujourd’hui ce terme afin d’en faire une véritable catégorie analytique susceptible d’aider à la modélisation des sociétés contemporaines. Cette modélisation n’est pas fondée sur le seul événement. Elle est fondée sur le nœud de relations qui lie cet événement, les individus et le système sociétal. L’approche de cette modélisation est donc « relationnelle ». Et l’événement dont il est question ici ne peut être envisagé hors de cette relation généralisée que j’appelle « champ relationnel » et qui suggère qu’aucune des trois catégories analytiques citées ci-dessus n’a de sens ni d’intérêt en elle-même, pour une modélisation, hors de ce champ.

Mots-clefs : champ relationnel ; événement ; individu ; modélisation ; relation ; système

Comptes-rendus de lecture

Marie-Germaine Chartrand

Mouvements sociaux des femmes au Sénégal, Ndèye Sokhna Guèye (dir.), Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture, CODESRIA, ONU Femmes, 2015 (p. 293-295)

Sébastien Dol

Sociologie de la musique. La construction sociale du son des « tribus » au numérique, Lello Savonardo, Paris, Éditions Academia-L’Harmattan, 2015 (p. 296-299)

Ali Omeran

Jouer la traduction. Théâtre et hétérolinguisme au Canada francophone, Nicole Nolette, Ottawa, Presse de l’Université d’Ottawa, 2015 (p. 300-304)