Sur le thème : « La montée des populismes au XXI e siècle »
À l’issue du premier tour de l’élection présidentielle française de 2022, les candidats classés sur les marges extrêmes de l’échiquier politique français, soit Marine Le Pen (Rassemblement national), Jean-Luc Mélenchon (France insoumise) et Éric Zemmour (Reconquête !) recueillaient respectivement 23,15 %, 21,95 % et 7,07 % des suffrages[1]. En d’autres termes, plus de la moitié de votants français avait exprimé son soutien à des candidats se présentant comme les porte-paroles des citoyens ordinaires qui, à tort ou à raison, se sentent ou s’estiment ignorés et même dupés depuis longtemps par les élites politiques et économiques jugées déconnectées des réalités quotidiennes. Ces résultats ne sont pas surprenants étant donné le soutien populaire important dont le mouvement des Gilets jaunes avait bénéficié dès son lancement contre la hausse du prix des carburants imposée en 2018 par le gouvernement d’Édouard Philippe, sous la présidence d’Emmanuel Macron, qualifié par certains de « Président des riches[2] ». La France n’est cependant pas le seul pays à être secoué par cette vague contestataire au cours de ces dernières années. Il n’est pas anodin de remarquer qu’une semaine avant le premier tour de l’élection présidentielle française, Viktor Orbán et son parti national-populiste Fidesz gagnaient les élections législatives hongroises pour une quatrième fois consécutive[3].
En effet, depuis le début du XXIe siècle, mouvements, partis et leaders considérés comme nationaux-conservateurs ou nationaux-libéraux prennent une place de plus en plus importante dans l’espace politique, non seulement en Europe, mais aussi sur le continent américain. On se souviendra du mouvement Occupy Wall Street et de celui des Indignés espagnols, qui voient le jour dans la foulée des politiques d’austérité adoptées en réponse à la crise économique et financière de 2008, et de leurs dénonciations des systèmes politiques et économiques néo-libéraux perçus comme profitant aux privilégiés et laissant pour compte les autres couches de la société[4]. Par ailleurs, on notera les succès électoraux des partis radicaux de gauche tels que la France insoumise, Podemos en Espagne et Syriza en Grèce, ainsi que ceux des partis d’extrême droite tels que l’Alternative pour l’Allemagne, les Démocrates de Suède et la Ligue du Nord en Italie, surtout depuis la crise migratoire de 2015 en ce qui concerne ces derniers[5]. De l’autre côté de l’Atlantique, la victoire inattendue de Donald Trump à l’élection présidentielle de 2016, les 74 millions[6] de voix qu’il reçoit quatre ans plus tard lorsqu’il brigue un second mandat et enfin l’assaut du Capitole, symbole de la démocratie américaine, signalent que cette montée des extrêmes n’est pas un léger malaise qui affecte les démocraties occidentales, mais bien une tendance lourde. Aucun pays ne semble être à l’abri de cette progression , pas même le Canada, une des démocraties libérales les mieux établies au monde, puisqu’il voit le Parti populaire de Maxime Bernier remporter près de 5 % des voix[(7)] lors de l’élection fédérale de 2021 et le Convoi de la liberté prendre sa capitale en otage au mois de février 2022.
D’une façon générale, tous les partis cités ci-dessus sont couramment considérés comme étant « populistes », c’est-à-dire, dans une acception préliminaire et peu étayée, fondés sur l’opposition du « peuple », qui serait paré de toutes les vertus, notamment démocratiques, aux élites corrompues. Cet appel à articles vise à éclaircir le concept ambigu de « populisme » identifié par différents chercheurs comme étant soit une idéologie, soit une stratégie de mobilisation ou bien un discours politique. Il vise aussi à faire le point sur la vague « populiste » qui déferle sur les démocraties occidentales depuis le début des années 2000 ainsi que les origines historiques proches ou plus lointaines de cette vague. Plus précisément, il cherche à analyser et à expliquer l’attrait des mouvements, partis et dirigeants « populistes » du XXIe siècle, les grandes idées et les discours qu’ils véhiculent, les stratégies de mobilisation et de communication qu’ils emploient et, enfin, ce qu’ils signifient pour la démocratie représentative traditionnelle.
Sans exhaustivité, nous invitons les chercheurs de disciplines diverses telles que la sociologie, l’histoire, la philosophie, les sciences politiques et la psychologie à soumettre des contributions utilisant différents cas d’étude, méthodologies et perspectives d’analyse et ayant trait aux thèmes suivants :
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Les populismes d’hier et d’aujourd’hui
Quels sont les liens entre les mouvements, partis et leaders populistes des XIXe et XXe siècles et ceux du XXIe siècle ? Dans quelle mesure leurs idées, discours, programmes et tactiques se ressemblent-ils ? Dans quelle mesure sont-ils différents ? L’essor actuel des populismes est-il une conséquence directe de la mondialisation ?
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La fracture entre le peuple et les élites
Quels sont les symptômes de la fracture entre le peuple et les élites politiques, économiques et financières ? Retrouve-t-on les mêmes symptômes dans différents contextes ? Comment explique-t-on cette fracture ? Dans quelle mesure les réseaux sociaux contribuent-ils à l’élargir ? Est-il possible de la réparer ? Si oui, comment ?
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Les populismes de gauche et de droite
Quelles sont les principales caractéristiques des mouvements, partis et dirigeants populistes du XXIe siècle ? Quels facteurs sociaux, économiques, culturels et psychologiques peuvent expliquer leur attrait ? Dans quelle mesure les analyses et discours des partis populistes de droite et de gauche se recoupent-ils ? Dans quelle mesure sont-ils divergents ? Quels sont leurs électorats respectifs ?
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Les populismes : « menace[s] ou correctif[s][8]» à la démocratie représentative?
En fin de compte, quel danger la vague populiste des vingt dernières années représente-elle pour les jeunes démocraties ainsi que les démocraties les plus établies ? Serait-il possible qu’elle représente aussi une opportunité de repenser et réformer fondamentalement la démocratie représentative traditionnelle ? La démocratie participative pourrait-elle endiguer la vague populiste traversant les démocraties occidentales ?
Soumission des articles
Les auteur(e)s intéressé(e)s par cette problématique annonceront leur projet à Jocelyne Praud à l’adresse suivante : Jocelyne.Praud@viu.ca, en mettant Denis Martouzet en copie (dmartouzet@laurentian.ca). Les articles seront expédiés aux mêmes adresses au plus tard au mois de février 2023. Ceux qui traverseront avec succès le processus d’évaluation par les pairs seront publiés dans le volume 19, numéro 1.
Consignes aux auteur(e)s
Merci de vous référer au guide de NPSS (http://npssrevue.ca/guide/). La revue accepte les articles allant de 6 000 à 15 000 mots environ incluant la bibliographie, le résumé, les annexes et les notes de bas de page.
[1] Ministère de l’Intérieur, « Élection présidentielle : les résultats du premier tour », Gouvernement de France, 11 avril 2022, https://www.gouvernement.fr/actualite/election-presidentielle-les-resultats-du-premier-tour, site consulté le 2 mai 2022.
[2] Doron Shultziner et Irit S. Kornblit, « French Yellow Vests (Gilets Jaunes): Similarities and Differences with Occupy Movements », Sociological Forum, vol. 35, n° 2, 2020, p. 535-542.
[3] « Viktor Orbán s’impose pour la quatrième fois consécutive aux élections législatives en Hongrie », Fondation Robert Schuman, 4 avril 2022, https://www.robert-schuman.eu/fr/oee/1967-viktor-orban-s-impose-pour-la-quatrieme-fois-consecutive-aux-elections-legislatives-en-hongrie, site consulté le 2 mai 2022.
[4] Abby Peterson, Mattias Wahlström et Magnus Wennerhag, « European Anti-Austerity Protests: Beyond ‘Old’ and ‘New’ Social Movements? », Acta Sociologica, vol. 58, n° 4, 2015, p. 293-310.
[5] Pablo Castaño, « Populismes de gauche en Europe : une comparaison entre Podemos et la France insoumise », Mouvements, n° 96, 2018, p. 169-180 ; Nuria Font, Paolo Graziano et Myrto Tsakatika, « Varieties of Inclusionary Populism? SYRIZA, Podemos and the Five Star Movement », Government and Opposition, vol. 56, n° 1, 2021, p. 163-183 ; Manès Weisskircher, « The Strength of Far-Right AfD in Eastern Germany: The East-West Divide and the Multiple Causes behind ‘Populism’ » The Political Quarterly, vol. 91, n° 3, 2020, p. 614-622 ; Anders Hellström, Tom Nilsson et Pauline Stoltz, « Nationalism vs. Nationalism : The Challenge of the Sweden Democrats in the Swedish Public Debate », Government and Opposition, vol. 47, n° 2, 2012, p. 186-205 ; Manuela Caiani, « The Populist Parties and their Electoral Success Different Causes behind Different Populisms? The Case of the Five-star Movement and the League », Contemporary Italian Politics, vol. 11, n° 3, 2019, p. 236-250.
[6] « U.S. Presidential Election Results 2020: Biden Wins », NBC News, 12 avril 2022, https://www.nbcnews.com/politics/2020-elections/president-results, site consulté le 2 mai 2022.
[7] Elections Canada, « September 20, 2021: General Election National Results », https://www.elections.ca/enr/help/national_e.htm, site consulté le 2 mai 2022.
[8] Cas Mudde et Cristóbal Rovira Kaltwasser, Populism in Europe and the Americas: Threat or Corrective for Democracy? New York, Cambridge University Press, 2012.
Sur le thème : « Demain ? »
Quel rapport entretenons-nous, individuellement et collectivement, avec le futur ? Il semblerait que ce rapport soit fortement teinté d’ambivalence, entre intérêt pour le futur, exprimé de multiples façons, et doute quant à pouvoir saisir le contenu de ce futur. Entre souhait profondément ancré et incertitude consubstantielle, la connaissance concernant le futur a longtemps été l’objet de méthodes et de pratiques, mêlant science, croyance, récits plus ou moins fantaisistes. Par exemple, au XVI ème siècle, Tycho Brahe considère l’astrologie comme application de l’astronomie, et Kepler et Galilée, connus pour leurs travaux en astronomie, proposaient encore des horoscopes (1) . Ce n’est qu’au XVII ème siècle, en Europe, par les écrits des philosophes mécanistes, dont, au premier rang, René Descartes, que l’astrologie sera distinguée de l’astronomie.
La distinction entre ce qui est de l’ordre du scientifique et ce qui relève de l’opinion est à peu près établie bien que régulièrement requestionnée, elle n’en demeure pas moins encore relativement floue. Nombreux sont les termes renvoyant à ce futur : futurologie, prospective et simulation prospective, prédiction, anticipation, voyance, cartomancie, prévision, planification, projet, programmation, anticipation, préscience, prophétie, conjecture, pronostic, scénario… et leur emploi autant au sein de la sphère scientifique qu’hors d’elle, est souvent approximatif : si la démarche générale est comprise et respectée, la rigueur éthodologique et les conditions de validité des résultats sont trop souvent absentes.
Si certains relèvent de la divination sans aucun fondement (la voyance, la cartomancie, la lecture dans le marc de café…), d’autres renvoient à des méthodes éprouvées et validées sur le plan scientifique (la modélisation et la simulation prospectives) et sur le plan technique et appliqué (le pronostic en médecine, la prévision en météorologie…). Mais la science, comme le montre Kuhn (2) , n’est pas exempte d’imaginaires, de croyances et, en tant qu’elle est activité sociale, elle intègre nécessairement les souhaits et les attentes, celles des individus comme celles des groupes, mais aussi les craintes et les désirs les plus profonds.
Il entre dans toute futurologie, qu’elle soit idyllique ou apocalyptique, un mixte indécidable d’analyses raisonnées et de craintes ou désirs non dits ou non conscients, qui visent à faire advenir ou, au contraire, à empêcher ce que l’on affirme prévoir objectivement. Pour une bonne part, la prévision est autant ou plus performative que constative. Fondée sur une lecture rétrospective du passé, elle privilégie pour l’avenir un possible parmi d’autres. Il importe donc au plus haut point de démêler quelle part de désir, voire de wishful-thinking, s’immisce dans l’art futurologique, et surtout lorsqu’il se présente paré de tous les atours de la positivité objective. (3)
Il est possible aussi de distinguer, dans l’ensemble des termes employés pour désigner les manières d’atteindre le futur, ceux qui découlent de la volonté de connaissance du futur, de ceux qui émanent d’une volonté de modifier le contenu ainsi connu (planification, projet, programmation, par exemple). Là encore, la distinction entre deux catégories – connaissance et action – n’est pas précise : Toute connaissance peut être considérée comme une incitation – au moins potentielle – à passer à l’action notamment si un jugement est porté sur ce que l’on sait ou croit savoir du contenu du futur et que ce jugement conduise à vouloir changer ce qui est prévu (ce dont la probabilité d’occurrence est élevée). On passe alors, par exemple, de la prédiction à la prophétie dont la portée
performative n’est plus à démontrer.
S’ajoutent des phénomènes qui relèvent de l’historicité : chaque société, chaque période pense son ou ses futurs à sa manière. Laurent Fedi, s’appuyant sur Auguste Comte, parle de « pathologie sociale », à propos de « notre » période actuelle, qu’il décrit ainsi :
Nous avons connu au XX e siècle l’épuisement de l’optimisme historique et futurocentrique. Nous sommes entrés dans l’ère de l’atomisme et de l’instrumentalisme qui rend la société impuissante à définir un projet collectif. Cette rupture est d’abord celle d’une continuité dans laquelle le passé éclairait l’avenir, dans laquelle, pour reprendre les catégories de Reinhart Koselleck, un champ d’expérience historiquement déterminé permettait de viser un horizon d’attente. Ce qui s’est ainsi écroulé, plus encore que l’idée d’un progrès indéfini, chère aux penseurs du XVIII e siècle, c’est l’idée téléologique d’une société en marche vers la réalisation de sa fin. L’homme d’aujourd’hui pense vivre dans un monde trop nouveau et complexe pour que la mémoire collective puisse encore avoir une quelconque utilité ; aussi préfère-t-il s’imaginer sans héritage. Dans le même temps, il est convaincu que l’avenir est imprévisible et incertain. Nous sommes ainsi entrés dans l’ère du présentisme et de la désillusion. Certaines visions plus pessimistes ressuscitent l’idée d’une fin du monde, d’un « effondrement » inéluctable, mais on notera que les recherches « collapsologiques » sont controversées par ceux qui estiment au contraire qu’il faut faire sa place à la contingence et que « le pire n’est pas certain » (4) .
Le rapport au futur est toujours problématique, pour plusieurs raisons :
- le caractère essentiellement incertain de ce que sera demain, du contenu de ce fur ;
- une réticence de la part des chercheurs à adopter une posture prospective alors même que la société est en demande de certitude quant à son avenir ;
- une réelle difficulté à saisir le lien entre aujourd’hui et demain ;
- le caractère essentiellement incertain de l’efficacité de l’action d’aujourd’hui pour orienter les situations futures, c’est-à-dire de saisir le lien, le chemin entre aujourd’hui et demain. Agir aujourd’hui pour atteindre un certain avenir met en œuvre des chaînes de causalité multiples qui, si certaines permettent d’atteindre ce futur, pour d’autres, nous en éloignent.
La sphère scientifique, comme les récits (littérature, cinéma…) et la vie quotidienne sont tous trois confrontés aux difficultés associées au rapport au futur. Ils ne les abordent cependant pas de la même manière, mais tous renvoient, dans le cadre que s’impose chacune de ces sphères, à ce que la société autorise, voire incite à penser, rend difficile, voire empêche de penser. Ces sphères par ailleurs ne sont pas étanches et les futurologues, les prospectivistes, les experts parfois autoproclamés, les idéologues se réclament, avec plus ou moins d’objectivité, du scientifique, produisant des récits du futur qui ne sont pas sans qualités. Le simple citoyen est lui aussi enjoint de faire des projets et de se projeter (5) et tous les champs de la vie individuelle ou collective sont concernés.
Le futur est donc écartelé entre la nécessité de le prendre en compte (comment ne vivre que dans le présent ?) et une difficulté, voire une impossibilité de le saisir avec un degré de précision acceptable dans la plupart des champs sociaux. L’enjeu sous-jacent devient crucial, entre crainte fondée de la perte d’une vie authentiquement humaine dans un avenir plus ou moins proche, collapsologie, certitude quant à l’incertitude inhérente à tous les systèmes complexes, complexité des relations entre urgence et long terme associée à celle des relations entre intérêt individuel et intérêt général… sans même compter le piège du déni (celui des climato-négationnistes, par exemple). De façon complémentaire, le futur, par son incertitude même, est le champ de tous les possibles, y compris celui des avenirs les plus radieux.
La question abordée ici est donc celle des manières avec lesquelles est pensé l’avenir et dans quelle intention. Par « manières », nous entendons ici aussi bien les méthodes que les paradigmes scientifiques, les manières de dire le futur (ou un futur particulier) que les fondements les plus implicites, les outils les plus sophistiqués et les récits les plus farfelus. Par ailleurs, il s’agit de questionner ce que la société fait des résultats découlant de ces « manières ». Y a-t-il opposition irréductible entre ces manières, notamment quand elles sont celles des sciences, celles des récits et celles du quotidien, ou un continuum dénué de ruptures, un champ ? Y a-t-il, dans chacune de ces sphères, des réticences, des envies, des souhaits, des besoins, des dénis, des évidences, des routines, des normes, des implicites, etc. – lesquels et sur quels fondements ? – envers la confrontation au futur ?
Cet appel à articles propose 5 entrées majeures :
1/ Les attitudes : Quelles sont les attitudes des individus, des groupes, des sociétés face au futur ? Au-delà d’une double binarité, entre volonté de connaissance précise du futur/impossibilité de connaître le futur et entre optimisme/pessimisme (relativement au contenu du futur à venir mais aussi quant à la possible influence que l’on peut avoir sur le « cours des choses »), les attitudes peuvent aussi s’ancrer dans un passéisme ou un présentisme. Qu’en est-il des individus, des différents groupes sociaux ?
2/ Les contenus : De quoi le futur sera-t-il fait ? Il ne s’agit pas ici de poser la question de façon générale mais en certains champs scientifiques (par exemple les projections concernant la diminution de la biodiversité) ou dans le champ des récits, que ceux-ci soient religieux (ou plus largement mystiques), historiques et prophétiques, idéologiques, à visée documentaire, à visée dénonciatrice ou simplement de l’ordre du divertissement. Peut-on dégager des orientations majeures ou pointer du doigt des signaux faibles de la survenue de celles-ci ? À moins de penser que le futur « est une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien ». Que nous dit la science du futur ? Que nous disent ces récits du futur ? Que nous dit la science de ces récits ? Quels sont les objets alors étudiés ? Relèvent-ils de la technique, de l’organisation sociale, des capacités humaines ? Les orientations majeures à venir relèveront-elles du transhumanisme ? Du développement des nanotechnologies, des changements politiques, sociétaux, environnementaux ?
3/ Les approches : De quelles méthodes de connaissance et de restitution du futur disposons-nous ? Quels sont les champs de recherche visant le futur, se dotant d’un appareillage méthodologique scientifiquement éprouvé ? Comment est spécifié le champ de validité des résultats, quel niveau de certitude peut-on atteindre ? Sur le plan épistémologique, comment l’invérifiabilité (ou l’infalsifiabilité) inhérente à des résultats que l’on ne peut pas confronter au réel puisque celui-ci n’est pas advenu est-elle pensée ?
Doit-on se restreindre à une approche probabiliste ou conditionnelle dans de « petites niches » de recherche ? Quelle place est donnée à la modélisation et la simulation ? Ensuite, comment sont restitués les résultats obtenus, dans le monde académique et vers l’ensemble de la société ? Comment s’articulent-ils avec les récits relevant de la sphère non scientifique : les récits d’anticipation, de science-fiction, qu’ils soient sous forme de romans, de nouvelles, de bande dessinée, de films et de séries télévisées, etc. ?
4/ Les fins : Quelle(s) fins peut-on envisager, de la fin de l’histoire à la fin de l’humanité ? Les années 1980 ont fait aboutir la réflexion à une fin de l’histoire de Fukuyama (6) , héritière du modèle de développement de Rostow, immédiatement très critiquée par Huntington (7) ou Derrida (8) , par exemple, et battu en brèche par les événements de ces trois dernières décennies. Les années 2000 envisage plutôt la fin de l’humanité (ou du moins d’une certaine humanité) avec les changements sociétaux majeurs en œuvre actuellement, sur le plan climatique et environnemental d’abord mais aussi sur le plan du rapport au savoir, avec le développement du complotisme et des fake news et, corrélativement, la dépréciation de la recherche et du savoir scientifique.
5/ Les chemins : Avoir un rapport au futur qui autorise à croire l’efficacité de l’action pour y tendre, c’est aussi se doter d’un chemin, d’une direction générale, éventuellement d’étapes et de points de passage obligés. Cela nécessite de découper le temps en séquences plus ou moins longues et reliées entre elles par des chaînes de causalités (ou de causalité probabiliste). Ces chemins existent-ils ? Comment les découvrir ou les construire ? Les disciplines que l’on peut qualifier de discipline de l’action ont-elles des entrées radicalement différentes de celles des disciplines de l’analyse pour appréhender ce futur ?
Consignes aux auteur(e)s
Les auteurs intéressés par la thématique annonceront leur projet au coordinateur du numéro, Denis Martouzet ( denis.martouzet@univ-tours.fr ). Ce numéro thématique se veut résolument interdisciplinaire.
Les articles proposés devront respecter les normes éditoriales de la revue disponibles à l’adresse http://npssrevue.ca/guide/, dans la rubrique « Guide des auteurs » aux onglets « Consignes générales » et « Bibliographie et notes ».
Les auteurs feront parvenir aux mêmes adresses leur texte au plus tard le 30 septembre 2023.
Les textes qui traverseront avec succès le processus d’évaluation seront publiés dans le numéro thématique « Demain ? » de la revue Nouvelles perspectives en sciences sociales (à paraître en mai 2024).
Calendrier
- Publication de l’appel : mars 2023
- Date limite d’envoi des articles : 30 septembre 2023
- Parution du numéro : mai 2024
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(1) Nicole Edelman, Histoire de la voyance et du paranormal. Du XVIII e siècle à nos jours, Paris, Seuil, 2014.
(2) Thomas Kuhn, 1972, La Structure des Révolutions Scientifiques, Paris, Flammarion.
(3) Alain Caillé, dans « Lectures », Revue du MAUSS, n o 31, 2008, p. 576. DOI : 10.3917/rdm.031.0559.
(4) Laurent Fedi, « Auguste Comte et l’avenir. Enquête sur les fondements de la futurologie positiviste », Revue des sciences philosophiques et théologiques, tome 105, 2021, p. 209-229. DOI : 10.3917/rspt.1052.0209.
(5) Jean-Pierre Boutinet, Anthropologie du projet, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Psychologie d’aujourd’hui », 1990
(6) Francis Fukuyama, 1992, La fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion.
(7) Samuel P. Huntington, 1990, « On ne sort pas de l’histoire. À propos de l’article de Francis Fukuyama », Commentaire, n o 49, p. 63-70
(8) Jacques Derrida, 1993, Spectres de Marx. L’état de la dette, le travail du deuil et la nouvelle Internationale, Galilée, n°98, vol.115.
NPSS – s/c Denis Martouzet – UMR CITERES – 33, allée Ferdinand de Lesseps – 37200 TOURS -FRANCE npss@laurentienne.ca