Appels à contributions

Sur le thème : « La relation et les services sociaux »

Les services sociaux, comme les services de santé physique et mentale, de toxicomanie, de bien-être social, comme les programmes d’emploi, les services pour immigrants et réfugiés, le système scolaire, l’allocation familiale, l’assurance emploi ou la sécurité de la vieillesse ne sont que quelques exemples de ce qui est disponible au Canada. Alors que ces services profitent souvent à leurs usagers ainsi qu’ils apportent des contributions importantes sur le plan sociétal, l’encadrement théorique traditionnel n’est pas suffisant pour expliquer le rapport entre les services sociaux et ce qu’ils accomplissent. Ainsi les enjeux et les questions qu’ils soulèvent doivent être analysés dans une nouvelle perspective.

Sur le plan micrologique, les bénéfices des services sociaux peuvent être perçus directement par l’observation. Que l’espérance de vie soit plus élevée pour les personnes qui vivent dans des nations où les services sociaux sont plus développés, cela n’est pas questionnable (1). De même, il est manifeste que, dans les pays où on trouve des systèmes développés de services sociaux, l’accès à ces services est plus équitable qu’ailleurs. En témoignent, dans l’actualité, l’accès aux services médicaux pour les individus transsexuels ou, semblablement, l’accès aux services médicaux chez les sans-abris. Dans ces exemples, le rapport entre l’individu et les services ne peut pas être compris uniquement dans un encadrement actionnaliste puisque se pose forcément la question de l’équité. Ces exemples doivent être compris dans un encadrement qui permette de prendre en compte la dynamique entre les individus et le système dans lequel ils agissent.

Sur le plan macrologique, le rôle des services sociaux dans les questions de justice sociale, d’équité ou de développement communautaire ne peut pas être nié. Les débats qu’on observe en Alberta, au Canada, qui se rapportent à la question des transsexuels dans les sports, ou les débats nationaux sur les causes du sans-abrisme au Canada sont nécessairement liés au thème des services sociaux. Comment peut-il y avoir un débat sur le sans-abrisme en l’absence d’un système de services sociaux destiné aux sans-abris ? On ne peut pas, par ailleurs, rendre compte de la création d’un système de services sociaux simplement en invoquant les principes d’individualités utilitaristes : rationnelles et égoïstement intéressées.

Donc l’existence de services sociaux et l’effet de ces services, tant sur le plan individuel que sur le plan sociétal, ne peuvent pas être expliqués par les théories actionnalistes traditionnelles de la sociologie. Comment expliquer le lien entre les services sociaux et la justice sociale à partir d’une perspective d’un acteur uniquement rationnel ? Ou comment expliquer le rapport entre les services sociaux et l’équité dans une société avec un modèle théorique qui nécessite un acteur nécessairement intentionné ?

Les personnes qui contribueront à ce numéro répondront à des questions comme celles-ci :

  • Comment rendre compte de l’existence des services sociaux et comment l’expliquer ?
  • Quels rapports les sociétés entretiennent-elles avec leurs services sociaux ?
  • Comment expliquer la dynamique des usagers des services sociaux et de l’offre de services ?
  • Dans quelle mesure une modélisation utilitariste est utile pour comprendre adéquatement l’existence des services sociaux et du travail social ?
  • Comment l’invocation d’un acteur purement rationnel et intéressé permet d’appréhender la réalité des services sociaux ?
  • Qu’est-ce qui rend nécessaire l’offre de services sociaux ?
  • Comment l’individualisme méthodologique peut expliquer le caractère sociétal des services sociaux ?
  • Comment le principe de la distinction de classe est à même de rendre compte du principe d’équité qui préside à l’offre de services sociaux ?

Les contributions théoriques qui constitueront des réponses à ces questions prendront appui sur ce qui, socialement, rend probable la présence de services sociaux : la maladie, la pauvreté, le sans-abrisme, le transsexualisme, le sexisme, le racisme, etc.

Malgré cela, les soumissions ne doivent pas se limiter à des contributions théoriques. Les soumissions peuvent être de nature empirique et peuvent avoir été développées dans le cadre de diverses disciplines ou dans des perspectives interdisciplinaires.

Soumission des articles

Les auteur(e)s intéressé(e)s par cette problématique annonceront leur projet à Paul Jalbert à Simon Laflamme, coordonnateurs du projet, aux adresses suivantes : pa_jalbert@laurentienne.ca et slaflamme@laurentienne.ca en mettant Denis Martouzet en copie (dmartouzet@laurentian.ca). Les articles seront expédiés aux mêmes adresses au plus tard le 30 novembre 2024. Les articles qui traverseront avec succès le processus d’évaluation par les pairs seront publiés dans le volume 20, numéro 2.

Consignes aux auteur(e)s

Les articles proposés devront respecter les normes éditoriales de la revue, disponibles à l’adresse http://npssrevue.ca/guide/ (rubrique « Guide des auteurs » voir « Consignes générales » et « Bibliographie et notes »).

__________________

(1) Sara Galvani-Townsend, Isabel Martinez et Abhishek Pandey, « Is Life Expectancy Higher in Countries and Territories with Publicly funded Health Care? Global Analysis of Health Care Access and Social Determinants of Health », Journal of Global Health, vol. 12, 2022, DOI: 10.7189/jogh.12.04091.

Sur le thème : « Dominations et émancipations à l’épreuve de la frontière animal/humain »

Sous la direction de
Émilie Dardenne, Kaoutar Harchi et Réjane Sénac

Selon les mots d’Armelle Le Bras-Chopard, « l’animal est […] saisi comme un manque par rapport à la plénitude humaine qui elle-même ne se sent pleine que par rapport au vide animal » (1). De là s’étirent les domaines de l’humanité et de l’animalité : le monde humain et le monde des autres animaux sont distincts. L’exploitation des autres animaux est alors fondée sur le postulat d’une supériorité humaine ontologique.

Ces dernières années, nous assistons à une montée en visibilité et en reconnaissance des mobilisations appelant à la prise en compte des intérêts de tous les êtres sentients. Après avoir été un « non-problème » (2), la question animale devient un objet légitime dans le débat public. En attestent la signature en 2022 de la Déclaration de Montréal qui proclame le caractère injuste de l’exploitation animale, ou l’apparition de partis politiques dédiés (l’Animal Welfare Party au Royaume-Uni en 2006, le Parti animaliste en France en 2016, DierAnimal en Belgique en 2018). Ces avancées en visibilité et en reconnaissance de la question animale signalent l’affaiblissement de l’évidence du référent humain à la faveur d’une considération plus marquée à l’endroit du vécu animal.

La critique de la frontière d’espèce qui l’accompagne s’inscrit dans un contexte socio-politique de remise en cause de la frontière de genre et de la frontière de race. Ainsi, antispécisme, antiracisme et féminisme sont portés par des contre-publics subalternes qui dessinent, selon les mots de la philosophe Nancy Fraser, « des arènes discursives parallèles dans lesquelles [ils] élaborent et diffusent des contre-discours » (3). Au sein de ces arènes, les contre-publics antispécistes, féministes et antiracistes interagissent continument à partir des conflits extérieurs qui les opposent aux institutions sociales normatives ainsi qu’à partir des articulations intérieures qu’ils opèrent.

Certains mouvements écoféministes font un lien substantiel entre le mouvement de libération animale et le mouvement féministe dans la dénonciation de l’exploitation et de l’accaparement des animaux non humains et des femmes par le capitalisme et le patriarcat, ce que la philosophe Carol J. Adams explicite en ces termes : « dans la mythologie de la culture patriarcale, la viande alimente la vigueur, on acquiert les attributs de la masculinité en se sustentant de ces nourritures masculines » (4). Les mouvements antiracistes, pour leur part, dénoncent l’animalisation de certains groupes humains par d’autres groupes humains, faisant ainsi écho à la pensée du philosophe Achille Mbembé qui considère que l’entreprise esclavagiste, coloniale et génocidaire se fonde sur « des dispositifs d’animalisation et de bestialisation de l’autre » (5).

A travers leurs pratiques de résistance, les contre-publics ne cessent de nouer des relations entre les régimes de pouvoir, et cela au point de chercher à faire valoir l’existence d’un continuum des dominations sociales allant des vécus des groupes non humains aux vécus des groupes humains.

Du point de vue théorique, nous observons que ce continuum n’est à ce jour que rarement pris en charge au sein du champ académique francophone. La raison, d’ordre structurel, tient à ce que le vaste domaine des sciences sociales, inscrit dans le « Grand Partage » entre Nature et Culture caractéristique de la modernité (6), se définit comme domaine des sciences humaines. Son intérêt se circonscrit, tendanciellement et majoritairement, au groupe humain.

Ainsi, bien que se donnant pour enjeu analytique et politique de mettre au jour les rapports de pouvoir, les études de genre et la théorie critique de la race saisies dans une perspective intersectionnelle, peinent à penser par-delà le cercle de la communauté humaine. Si les productions philosophiques, pour leur part, sont de celles qui ont porté au plus haut la critique du suprémacisme humain, nous remarquons que ce n’est que rarement qu’elles entrent en dialogue avec les philosophies féministes et celles de la colonialité. Le versant critique des études animales, résolument intersectionnel, interroge les paradigmes de la domination d’une manière non-hiérarchique. Les dualismes (humain/non humain, homme/femme, blanc/non blanc), sont appréhendés selon un même élan. Ainsi est favorisée une compréhension dynamique des relations anthropozoologiques (7).

Ces éléments, ne prétendant guère à l’exhaustivité, dessinent à grand trait un horizon contemporain de recherche partagé entre des approches anthropocentrées qui éludent l’expérience de la domination spéciste et des approches zoocentrées qui manquent l’expérience de la domination sexiste et raciale. A cet égard, les travaux de Sue Donaldson et Will Kymlicka (8) sont stimulants dans la mesure où ils invitent à penser et porter conjointement le dépassement des catégories de la domination ; et cela à la fois pour les individus humains assignés à la presque-humanité, et pour les individus animaux non humains, définis comme sous-humains (9). Will Kymlicka invite à interroger les limites des mobilisations de gauche qui considèrent l’émancipation de l’anthropocentrisme et du suprémacisme humain (10) comme un débat marginal voire un non-débat.

Observant que l’espèce est exclue ou, au contraire, pensée à l’exclusion de tout autre chose, nous visons dans ce volume l’analyse des modalités sociales d’articulation des dominations et des émancipations : on entend participer d’une discussion sur les liens entre le spécisme, le sexisme et le racisme, ainsi que d’autres mouvements (validisme, écologie) dans leur reproduction et leur dépassement.

Cette problématisation engage deux pistes de recherche complémentaires. Nous pourrons, d’une part, réfléchir à la fabrication sociale de l’espèce et, d’autre part, nous intéresser à l’articulation des frontières d’espèce, de genre, de race. Les relations que ces régimes de pouvoir nouent les uns avec les autres seront examinées. Nous chercherons à comprendre de quelles manières ils se co-produisent mutuellement. Plus précisément, les processus d’animalisation spéciste des animaux, processus dont procède l’animalisation sexiste et raciale de certains groupes humains, seront analysés.

Soumission des articles

Les auteur.rices intéressé.e.s annonceront leur projet à Émilie Dardenne (emilie.dardenne@univ-rennes2.fr), Kaoutar Harchi (kaoutar.harchi@hesge.ch) et Réjane Sénac (rejane.senac@sciencespo.fr) pour le 15 septembre 2024. Il est attendu un résumé de l’article envisagé, de 800 à 1 200 signes.

Une fois le projet validé, les articles seront expédiés aux mêmes adresses au plus tard le 1er décembre 2024. Ceux qui traverseront avec succès le processus d’évaluation par les pairs seront publiés dans le volume 21, no 2 de la revue Nouvelles Perspectives en Sciences Sociales en novembre 2025.

Consignes aux auteurs-trices

Merci de vous référer au guide de Nouvelles Perspectives en Sciences Sociales (http://npssrevue.ca/guide/).

La revue accepte les articles allant de 6 000 à 15 000 mots environ. Ceci inclut la bibliographie, les résumés, les annexes et les notes de bas de page.

Calendrier

  • Juillet 2024 : lancement de l’appel à contributions.
  • 15 septembre 2024 : réception d’un résumé entre 800 et 1200 signes.
  • 1er décembre 2024 : réception des textes. Relecture par les trois directrices.
  • Début janvier 2025 : commentaires des directrices, navettes avec les auteurs-trices.
  • 1er mars 2025 : réception des textes revus. Lancement du processus d’évaluation en double aveugle.
  • 1er avril 2025 : réception des avis des évaluateurs-trices, navettes avec les auteurs-trices.
  • 1er septembre 2025 : envoi des textes finalisés à Nouvelles perspectives en sciences sociales.

__________________

(1) Armelle Le Bras-Chopard, Le zoo des philosophes. De la bestialisation à l’exclusion, Paris, Plon, 2000, p. 27.
(2) Emmanuel Henry, La fabrique des non-problèmes, Paris, Presses de Sciences Po, 2021.
(3) Nancy Fraser, Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution, Paris, La Découverte, 2005, p. 126.
(4) Carol J. Adams, La politique sexuelle de la viande. Une théorie critique féministe végétarienne, Lausanne, L’Âge d’homme, 2010, [1990], p. 80-82.
(5) Achille Mbembé, « La République et l’impensé de la “race” », dans Nicolas Bancel, La fracture coloniale. La société française au prisme de l’héritage colonial, Paris, La Découverte, 2005.
(6) Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.
(7) Émilie Dardenne, Introduction aux études animales, Paris, PUF, 2022 ; Claire Jean Kim, Dangerous Crossings: Race, Species, and Nature in a Multicultural Age, Cambridge, Cambridge University Press, 2015 ; Nik Taylor et Richard Twine (dir.), The Rise of Critical Animal Studies. From the Margins to the Centre, Londres et New York, Routledge, 2014.
(8) Will Kymlicka, Sue Donaldson, « Animal Rights, Multiculturalism, and the Left », Journal of Social Philosophy, 2014, vol. 45, no 1, p. 11-135 ; Will Kymlicka, « Membership Rights for Animals », Royal Institute of Philosophy, 2022, Supplement 91, p. 213-244.
(9) Will Kymlicka « Human Rights Without Human Supremacism », Canadian Journal of Philosophy, vol. 48, no 6, 2018, p. 763-792.
(10) Will Kymlicka, « Pourquoi les animalistes sont-ils toujours les orphelins de la gauche ? », L’Amorce, 21 juin 2019, en ligne sur https://lamorce.co/pourquoi-les-animalistes-sont-ils-toujours-les-orphelins-de-la-gauche/3