Valérie Gauthier-Fortin et Simon Laflamme
« Hommage à Ali Reguigui (1958-2023) » (p. 13-24)
Sur le thème « Demain »
Sous la direction de Denis Martouzet
Denis Martouzet
Avant-propos (p. 27-30)
Magali Boespflug, Carine Dutei-Mougel, Claire Lefort, Cécile McLaughlin et Petra Pelletier
« Crise de la COVID-19 : ruptures et transformations des trajectoires humaines pendant les temps incertains » (p. 33-66)
Résumé : La crise de la COVID-19 a conduit à des ruptures importantes des existences humaines. La méthodologie a été adaptée à partir de recherches menées à la suite de l’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986. Une analogie fondée sur l’invisibilité entre les contaminations radioactives par le césium 137 et les contaminations virales par SARS-CoV-2 souligne que les personnes ont besoin de construire le sens de la crise, de faire face aux émotions négatives et à l’incertitude pour espérer un avenir meilleur. Les participants (n = 784) ont rempli un questionnaire, intitulé « Moi : hier, aujourd’hui et demain », décrivant leur vécu pendant le confinement sanitaire en 2020. Les principaux résultats ont démontré la perte de repères des participants, le vécu de la peur et un besoin de changement positif dans le futur. Cette recherche indique la complémentarité des orientations émotionnelles globales de la peur et de l’espoir qui transcendent les individus et la société pendant les temps incertains de la crise de la COVID-19.
Mots-clefs : COVID-19, crise sanitaire, incertitude, trajectoires existentielles, émotions.
Mathieu Bonnefond, Sofia Guevara Viquez et Mathilde Gralepois
« Pluraliser les savoirs pour penser les futurs face à l’incertitude. Le cas de l’effondrement de la falaise d’Ault (Picardie, France) » (p. 67-111)
Résumé : La place centrale des savoirs dans les choix d’action publique est remise en cause par la « mise en risque » de phénomènes climatiques et hydrologiques qui s’avèrent imprévisibles et irréversibles. C’est le cas du recul du trait de côte des falaises en Picardie. Longtemps basé sur une approche scientifique et technique dite de « recul moyen », l’État doit recomposer ses moyens d’action face à l’occurrence de risques extrêmes et brusques. Or, il ne s’agit pas seulement de changer de modalités dans l’approche technique, ni de promouvoir de nouveaux outils de prévention pour construire des stratégies de recomposition territoriale des littoraux. Le cas de l’effondrement de la falaise d’Ault illustre le besoin urgent d’intégrer dans l’action publique une pluralité de connaissances des effets du changement climatique, tant en termes de savoirs qui peuvent être alternatifs et scientifiques que de connaissances tirées de l’expérience sensible, personnelle ou esthétique.
Mots-clefs : Savoirs, politiques publiques, changement climatique, incertitude.
Karine St-Denis
« L’anthropologie des catastrophes : vers un futur événementiel ? » (p. 113-132)
Résumé : Les désastres et les catastrophes sont indissociables de la culture, indissociables de nos pratiques, de nos convictions et de nos aspirations collectives. L’anthropologie des catastrophes est donc un champ disciplinaire pertinent pour étudier les désastres et catastrophes qui marqueront de plus en plus notre futur. Cet article présente les objets d’études et les notions centrales de cette anthropologie. Nous y montrons en quoi nos cultures occidentales octroient un caractère événementiel aux désastres et aux catastrophes et en quoi ce caractère événementiel est insuffisant pour comprendre notre avenir.
Mots-clefs : Anthropologie, catastrophe, désastre, événement, culture.
Nicolas Hervé et Nathalie Panissal
« Quand les lycéens et lycéennes s’adressent aux générations futures via une capsule temporelle… » (p. 133-168)
Résumé : Cet article vise à comprendre les images du futur que forment des lycéens et lycéennes sur la numérisation de la société. Pour cela, une expérience de construction d’une capsule temporelle a été menée dans un lycée agricole. La capsule temporelle est constituée de vidéos produites par 18 groupes d’élèves de seconde sur leurs images du futur de la numérisation de la société en 2040, adressées aux élèves qui seront à leur place dans 20 ans. L’analyse des vidéos montre que les images du futur des élèves sont majoritairement critiques sur les transformations sociales induites par le développement du numérique, dans un contexte de changement climatique. La possibilité d’une prise en charge politique des problèmes soulevés est absente. Nos résultats pointent l’importance de développer des dispositifs pédagogiques susceptibles de faire formuler aux élèves des images de futurs à la fois possibles et souhaitables, et de leur permettre d’envisager des leviers individuels et collectifs d’action.
Mots-clefs : Capsule temporelle, images du futur, enseignement agricole, numérique, représentations des lycéens.
Sur le thème « Guy Bajoit et la notion de relation »
Sous la direction de Claude Vautier
Claude Vautier
Avant-propos (p. 171-174)
Guy Bajoit
« Pour compléter ma conceptualisation de la notion de relation sociale » (p. 177-188)
Résumé : En 2009, Guy Bajoit présentait la relation comme une forme de collaboration entre acteurs sociaux. Il associait cette collaboration aux notions de finalité, de contribution, de rétribution, d’inégalité et de domination. Dans cet article, il revient sur ce positionnement et le complète en faisant intervenir d’autres notions, dont celles d’identité et d’altérité collectives.
Mots-clefs : Relation sociale, échanges sociaux, solidarité, identité collective, altérité collective.
Monique Hirschhorn
« Une théorie sociologique générale est-elle possible ? Mise en perspective historique du projet de Guy Bajoit » (p. 189-197)
Résumé : Avec son désir de construire une théorie sociologique générale, Guy Bajoit se met dans les traces de la plupart des sociologues contemporains dont certains restent en recherche d’une telle théorie alors que d’autres ont tourné le dos à un tel projet considéré comme utopique et voué à l’échec, voire comme indésirable. Le « pluralisme théorique » qui se manifeste comme l’un des volets de l’histoire de la sociologie apporte des capacités d’élucidation du social en tournant autour de l’objet d’étude, mais, considèrent les tenants d’une théorie générale en sociologie, empêche une unification de la discipline, qui serait la bienvenue. Ce texte veut montrer que si les efforts de Guy Bajoit pour parvenir à cette unification de la sociologie sont légitimes et si leur objectif peut être jugé souhaitable, c’est davantage dans le cadre d’un débat collectif que doit être posé un tel projet que dans celui d’une recherche essentiellement personnelle appuyée sur les travaux passés et présents de l’auteur.
Mots-clefs : Théories sociologiques générales, histoire de la sociologie, histoire de la philosophie, pluralisme théorique, structuralisme génétique, sociologie dynamique, approche fonctionnaliste et stratégique, actionnisme, schèmes d’intelligibilité, réel, structures, sens, histoire, épistémologie, Bajoit, individualisme méthodologique complexe, temporalités, projet personnel, débat.
Michel Messu
« “Pour une sociologie de combat”, nous dit Guy Bajoit… Mais quel combat doit poursuivre la sociologie ? » (p. 199-215)
Résumé : Cette communication vise à discuter la pertinence du titre donné à l’un de ses ouvrages par Guy Bajoit. Pour une sociologie de combat, dit-il, mais de quel combat s’agit-il ? Derrière ce titre se cache pourtant, aujourd’hui comme hier, un enjeu majeur pour la sociologie. Celui de rester la science du social qu’elle prétend être. La communication réaffirme la préséance de la rationalité dans la démarche scientifique, son autonomie épistémologique et le principe de la neutralité axiologique, menacés aujourd’hui par la prolifération des Studies.
Mots-clefs : Guy Bajoit, engagement, science, sociologie, neutralité axiologique, studies.
Simon Laflamme
« La place de l’individu, de la subjectivité et de l’action et le rôle du macrologique dans la sociologie relationnelle » (p. 217-239)
Résumé : Guy Bajoit a envisagé dès 1992 une sociologie relationnelle. Sans l’avoir nommée, mes travaux me conduisaient naturellement vers une telle sociologie. J’ai donc rencontré avec bonheur cette sociologie bajoitienne ; je voyais en elle un objet autre que l’acteur social ou que les structures sociales, j’entrevoyais des relations qui pouvaient être étudiées en elles-mêmes, il y avait là la possibilité de comprendre l’humain autrement qu’en fonction de sa subjectivité autonome ou de ce qui commande ses actions depuis l’extérieur. J’ai entendu l’invitation bajoitienne à travailler à l’intérieur d’un nouveau paradigme. Mais j’ai dû prendre mes distances par rapport au projet de Guy Bajoit parce que, d’une part, son relationnisme impliquait étroitement l’acteur hyper-rationnel de l’individualisme méthodologique, et parce que, d’autre part, il m’est apparu essentiel d’éloigner la relation de l’ordre ontologique pour en faire un principe de modélisation.
Mots-clefs : Guy Bajoit, relation, relationnisme, rationalité, individualisme méthodologique, épistémologie, émotion, psyché, modélisation, sociologie, dialectique, trialectique.
Claude Vautier
« Entre ontologie et épistémologie. Un quiproquo sur le concept ou la notion de relation ? » (p. 241-277)
Résumé : Guy Bajoit fait partie des sociologues ayant très tôt aperçu l’intérêt d’introduire le concept de relation dans la modélisation d’une société. Ce faisant, il a ouvert des voies de réflexion qui ont poussé la sociologie à sortir des querelles stériles entre individualisme et structuralisme. Sa volonté de construire une théorie générale des sociétés l’a poussé vers une synthèse bienvenue, enrichissante. Cependant, on peut penser que cette construction n’est pas suffisante pour saisir au moins en partie la complexité du monde. En humaniste, Bajoit s’intéresse à l’être humain, mais il en fait le centre de la modélisation. Cette position limite la portée de sa construction. Sa théorie (à vocation) générale, au demeurant éclairante dans le paradigme le plus répandu de nos jours, glisse vers un interactionnisme où ce sont forcément les individus qui sont en relation, entre eux ou entre eux et d’autres, vivants ou inanimés. Cet article veut tenter de montrer que la sociologie contemporaine doit faire un saut épistémique en modélisant par la relation. Une telle modélisation suppose que des catégories diverses soient analysées, non en elles-mêmes, mais au travers de leurs relations. Le modèle BIP (Biens, Idées, Personnes) de Laflamme ou le modèle RISE (Relation, Individu, Système, Événement) de Vautier, en prenant une forme trialectique (trois relations dialectiques intégrées) permettent d’atteindre cet objectif.
Mots-clefs : Relation, relation empirique, relation analytique, relation épistémologique, concept, conceptualisation, connaissance scientifique, construction du monde, modèle, modèle relationnel, modèle trialectique, anthropocentrisme, montée en abstraction, saut épistémique, nouveau paradigme, reliance généralisée, Guy Bajoit, Simon Laflamme.