Sur le thème : « approche environnementale dans le secteur social et médico-social »
Sous la direction de Meddy Escuriet
Meddy Escuriet
Avant-propos : Approche environnementale dans le secteur social et médico-social (p.-15-22)
Louis Bertrand
« Attribuer des droits sociaux : approches médicales et médico-sociales dans les politiques du handicap françaises Une étude de l’évaluation des demandes dans deux Maisons Départementales des Personnes Handicapées » (p. 25-55)
Résumé : Les débats autour d’une définition biomédicale ou sociale du handicap trouvent un écho dans les procédures d’évaluation du handicap des Maisons Départementales des Personnes Handicapées françaises. Les contraintes qui pèsent sur elles les amènent à favoriser une évaluation des demandes seulement médicale ou plus pluridisciplinaire et environnementale, comme le montre l’analyse des parcours de dossiers de demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Ce travail d’évaluation est marqué par la tension entre un principe d’individualisation de la prise en charge et un principe d’équivalence des traitements. Deux types de résolution de cette tension peuvent être distingués : une résolution biomédicale, insistant sur le diagnostic, et une résolution médico-sociale, s’appuyant sur le travail d’équipes pluridisciplinaires. Des conflits entre ces deux approches peuvent apparaître lors de la détermination d’un « taux d’incapacité ». Ces différences d’approche peuvent recouper des différences professionnelles (médecins/travailleurs sociaux) et générationnelles (agents ayant travaillé dans les anciennes instances / agents recrutés récemment).
Mots-clefs : évaluation du handicap; magistratures sociales; approches médicales; approches environnementales
Cyril Desjeux
« Le processus administratif de production des aides humaines » (p. 57-96)
Résumé : La Prestation de Compensation du Handicap (PCH) aide humaine en France a posé, et peut encore poser, des difficultés pour garantir l’effectivité de ce droit. Pour analyser ces difficultés, l’article repose sur des travaux réalisés depuis 2015 sur l’aide humaine, les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) et les handicaps liés à des altérations des fonctions mentales, psychiques et/ou cognitives. À partir du processus d’élaboration et de mise en œuvre du plan d’aide humaine, l’enjeu de cet article est de décrire les obstacles et les facteurs pouvant faciliter la prise en compte de l’environnement dans la situation de handicap de la personne. Nous verrons ainsi que la prise en compte des facteurs environnementaux s’inscrit dans une chaine de réponses caractérisées par une densité de contraintes importantes.
Mots-clefs : compensation; aide humaine; prestation de compensation du handicap (PCH); maisons départementale des personnes handicapées (MPDH); handicap, autonomie
Meddy Escuriet
« Proposer un accompagnement médico-social par la géographie : identifier, analyser et stimuler les relations entre individu et environnement » (p. 97-138)
Résumé : Cet article vise à présenter un dispositif méthodologique déployé en France dans le cadre d’un travail de thèse en géographie réalisé en immersion dans une association qui accompagne des personnes ayant subi des lésions cérébrales (LADAPT Puy-de-Dôme à Clermont-Ferrand). Pouvant être physiques, sensorielles, psycho-comportementales ou cognitives, les conséquences d’une lésion cérébrale sont multiples et différentes en fonction des individus. Affectant la capacité des personnes à construire des images mentales de l’espace, elles se traduisent souvent par des sentiments de stress et d’anxiété qu’elles éprouvent dans des environnements qu’elles maitrisent mal. Construit à partir d’une approche environnementale et situationnelle du handicap, le dispositif méthodologique déployé dans le cadre de cette thèse s’articule autour de deux outils principaux : les entretiens et les ateliers cartographiques. Alors que les entretiens cartographiques ont permis de comprendre le rapport que les personnes accompagnées entretiennent avec leurs espaces quotidiens, les ateliers cartographiques ont été construits dans le but de stimuler leur perception de l’environnement. Ces derniers, mis en place à la suite de l’emménagement de l’association dans de nouveaux locaux situés dans un autre quartier de Clermont-Ferrand ont pris la forme de plusieurs activités. En partant de l’hypothèse que le nouveau quartier d’implantation de l’association ferait l’objet, chez les personnes accompagnées d’une image mentale mal définie et serait générateur de mal- être, le but de cette démarche était de leur proposer des exercices cartographiques et spatiaux afin de renforcer leur maîtrise spatiale du secteur.
Mots-clefs : handicap; perception de l’espace; cartographie; accompagnement médico-social
Sophie Arborio et Géraldine Letz
« Vers une éthique de la relation de communication avec les personnes atteintes du syndrome d’Angelman » (p. 139-171)
Résumé : Dans le cadre d’une recherche anthropologique, nous avons étudié au sein de plusieurs établissements médicosociaux l’écosystème de la relation de communication avec les personnes atteintes du syndrome d’Angelman (SA), particularité génétique générant notamment un retard de développement physique et mental, ainsi qu’une altération profonde de la faculté de langage.
Au travers d’un corpus de vingt-cinq entretiens semi-directifs effectués dans huit établissements médico-sociaux français, ainsi que de quatre journées d’observation participante et partant du point de vue des professionnels de l’accompagnement quotidien, nous avons pu y analyser les enjeux des interactions en lien avec la communication.
Dans ce contexte, l’usage des outils de communication alternative améliorée (CAA) fait partie intégrante d’un co-apprentissage entre professionnel et usager. Ce mode de communication met en place des moyens de substitution quand la communication naturelle n’est pas suffisamment développée pour être opérationnelle. Outre cet aspect substitutif, la communication « améliorée » vient soutenir ou accroître le langage oral lorsqu’il est insuffisant pour établir une relation de communication (Élisabeth Cataix-
Nègre, « Polyhandicap, communication et aides à la communication. Communiquer autrement », 2017). Pour exemple, la langue des signes, les expressions du visage et/ou la position du corps font partie de la CAA ainsi que les pictogrammes (images, dessins ou photos exprimant des mots ou des idées).
Cette élaboration respective s’inscrit dans une diachronie et s’appuie sur une intercompréhension, elle-même liée aux initiatives des professionnels qui doivent saisir les spécificités de leur expérience avec chaque personne atteinte du SA.
L’accompagnement ne peut se faire sans une mutualisation des savoirs et des expériences des professionnels, prenant en compte la dimension subjective de leurs relations avec les personnes atteintes du SA. Plus spécifiquement, ces relations sont établies au long cours et elles se doivent d’être personnalisées, répétées et ritualisées en fonction des fluctuations des ressources de l’usager. Grâce à leur utilisation appropriée, les outils de CAA facilitent une compréhension mutuelle prenant en compte les singularités de chacun et le contexte relationnel et environnemental des individus dans le cadre d’un projet individualisé.
Ainsi analysé d’un point de vue anthropologique, l’usage de la CAA recouvre non seulement des techniques spécifiques à appliquer mais également une situation intersubjective qui suscite de mieux comprendre les représentations des professionnels à l’égard de ce handicap, les processus d’observation, d’interprétation et d’adaptation à l’autre. Ces différents niveaux d’analyse permettent, en définitive, la mise en exergue d’une posture éthique au centre de l’accompagnement de ces usagers. Ce faisant, on s’interrogera sur le rôle de la communication avec les personnes atteintes du SA : a-t-elle pour but de mieux « décoder » leurs besoins ou correspond-elle, in fine, à la recherche d’une intercompréhension plus générale qui, aussi imparfaite soit-elle, passe par le respect de l’intégrité d’un autre ? Ceci conduit plus largement à repenser la notion d’autonomie, objectif principal de l’accompagnement et du développement de la CAA, au prisme du plaisir et du bien-être, et non plus, exclusivement, sous l’angle des besoins élémentaires des personnes atteintes du SA.
Mots-clefs : syndrome d’Angelman; communication alternative améliorée; éthique relationnelle; accompagnement médico-social, France
Martine Dutoit et Marie-Claude Saint-Pé
« Enquêter sur les rapports d’interaction à son environnement : une démarche de personnes se positionnant pair en santé mentale » (p. 173-196)
Résumé : Cet article retrace le cheminement sensible et intellectuel d’usager·e·s du système de santé mentale en France, devenu·e·s pairadvocates, en soutien à l’accès aux droits et aux recours aux côtés d’autres usager·e·s. Ce cheminement consiste à élaborer par l’expérience et au fur et à mesure que celle-ci progresse, leurs principes d’actions en pratiques de pairadvocacy et de représentation des usager·e·s. Trois d’entre eux sont donnés ici : de la personne problème à la situation-problème ; des interactions à interroger et à interpeller ; être l’adresse de l’autre pour comprendre et agir. L’article aborde le contexte anthropologique et sociologique, sociétal et politique, dans lequel évolue cette pratique de pairadvocacy. Ce contexte et cette démarche, selon des pratiques de pairadvocacy, sont exemplaires d’une appropriation de leur environnement par des personnes qui ont de nombreuses raisons de s’en penser exclues, étrangères. Un premier pas pour entraîner une pensée inclusive, peut-être.
Mots-clefs : pairadvocacy; environnement; appropriation; expérience
Eugénie Terrier
« L’approche environnementale dans la compréhension et l’accompagnement des agriculteurs et des agricultrices en difficulté » (p.197-237)
Résumé : La réflexion présentée dans cet article s’appuie sur une recherche au sujet d’une expérimentation partenariale et locale d’aide à la reconversion professionnelle d’exploitant.es agricoles en difficulté dans un département de l’Ouest de la France. À partir d’une enquête qualitative par observations et par entretiens auprès d’une diversité d’acteurs (agriculteurs et agricultrices, élu.es, cadres, intervenant.es), il s’agit dans cette recherche d’analyser les situations sociales de ces agriculteurs et agricultrices à partir d’une approche écosystémique et d’interroger les représentations et les pratiques des différents acteurs impliqués dans leur accompagnement. Les résultats montrent que les situations de vulnérabilité des exploitant.es agricoles se situent à l’intersection des influences d’un ensemble d’environnements socio-culturels et spatiaux et des trajectoires individuelles jalonnées d’évènements biographiques plus ou moins fragilisants selon les contextes. Face à ces situations, et même si les acteurs ont conscience de l’influence des environnements, les contraintes institutionnelles et les normes sociales à l’œuvre restent centrées sur l’activation et la responsabilisation des personnes.
Mots-clefs : exploitant.es agricoles; vulnérabilités; accompagnement social; approche écosystémique; effet de lieu
Hors thème
Mélanie Girard, Simon Laflamme et Émilie Tremblay
« Équité salariale entre les sexes au Canada de 1971 à 2016 : note empirique » (p. 241-275)
Résumé : Cet article se penche sur le thème de l’équité salariale entre les sexes au Canada. Dans une première étape, en recourant aux microdonnées à grande diffusion issues du recensement de 2016, il compare le salaire des hommes et des femmes de manière globale puis en faisant intervenir les variables intermédiaires que sont l’âge, le secteur d’industrie, l’instruction et le statut selon que le travail est à temps plein ou à temps partiel. Il découvre alors une inégalité du salaire selon le sexe quoique, paradoxalement, une faible variance expliquée du salaire par le sexe. Dans une deuxième étape, il présente cette comparaison à la lumière de celles qui ont été faites depuis 1971, toujours à partir des microdonnées des recensements. Il observe alors une tendance générale à la réduction de l’écart entre les sexes pour ce qui est du salaire, mais aussi à la réduction de la variance expliquée du salaire par le sexe ; il observe aussi une certaine stagnation de la réduction de l’écart entre les sexes de 2011 à 2016. Dans un troisième mais en fonction de tranches de salaires. Il relève alors de nette variations de cette différence selon la tranche de salaire qui est prise en compte. Dans un quatrième temps, il présente quelques considérations législatives.
Mots-clefs : équité salariale; inégalité selon le sexe; Canada; législation; quotient des salaires; ratio des salaires; variance expliquée; écart-type
Ines Bouguerra
« Pour une analyse relationnelle de la conversion religieuse » (p. 277-304)
Résumé : La conversion religieuse est un objet de recherche complexe qui a suscité l’intérêt de plusieurs disciplines. Les connaissances monodisciplinaires qui en ont résulté ont occulté sa réalité complexe. Elles ont en outre conféré ou confirmé un pouvoir d’élucidation à des catégories issues des approches holistique ou individualiste (pouvoir, reproduction, intention, rationalité, par exemple). L’approche interactionniste a contribué aussi à la compréhension de la conversion religieuse. Elle a, en revanche, réduit la temporalité à une linéarité qui laisse conjecturer qu’une éventuelle conversion religieuse pourrait se produire ponctuellement, dans un cadre « avant-après ». L’objectif de cette contribution est de sortir de ces sentiers battus, en observant le rapport de la psyché à la religion par l’entremise de la théorie relationnelle.
Mots-clefs : conversion religieuse; théorie relationnelle; relation causale; rationalité; psyché; individualisme méthodologique; holisme méthodologique; socialisation; Pierpaolo Donati; Simon Laflamme.