Simon Laflamme et Claude Vautier
Avant-propos (p. 13–14)
Simon Laflamme
Dialectique de l’homogénéité et de la différence (p. 15–33)
Résumé :
Deux grandes visions s’affrontent au XXe siècle : l’une veut que les sociétés humaines évoluent en se diversifiant, l’autre maintient que ces sociétés tendent vers la similitude. Mais ces visions sont nourries beaucoup plus par l’observation sommaire et l’autoréflexion que par l’analyse empirique. Les travaux empiriques qui se penchent sur cette problématique inclinent à relever une évolution double. Dans cet article, nous faisons état du positionnement contradictoire des visions en sciences humaines, nous tentons de fournir une explication de la double tendance que mettent en relief les travaux empiriques en en dialectisant les éléments et nous reprenons quelques-uns de nos travaux qui témoignent par l’observation de cette dialectique.
Mots-clés : homogénéisation, différenciation, structure sociale.
Franck Dorso
Pour une sociologie de l’écart. Affiliation et différenciation dans les processus de socialisation et d’urbanisation (p. 35–59)
Résumé :
Le texte aborde la question de la tension entre homogénéisation et différenciation à partir des usages informels et illégaux de la ville. Au-delà des condamnations dont ils font l’objet, ces usages remplissent des rôles essentiels de régulation, au Nord comme au Sud, en termes économiques, urbains, sociaux, politiques. Ils constituent des formes de soupape des processus d’urbanisation mais aussi, plus globalement, de socialisation. Ils permettent dans ce registre des épisodes de retrait ou de transgression vis-à-vis du contexte normatif, sans pour autant remettre en cause l’ordre social. Cette logique de l’écart renvoie à la tension affiliation normative-différenciation qui innerve la socialisation. Le texte explore la dynamique de cette tension, comme une modalité du couple homogénéisation-différenciation, ainsi que ses implications en termes sociologiques et d’action urbanistique.
Mots-clés : écart, soupapes, socialisation, urbanisation, normes, tension, retrait, transgression.
Christian Le Bart
L’injonction à être soi-même : entre quête de singularité et standardisation (p. 61–81)
Résumé :
L’injonction à être soi-même constitue une norme essentielle au sein des sociétés contemporaines. Dans un contexte de relatif déclin des identités prescrites, chacun est incité à effectuer un travail identitaire spécifique afin de découvrir une supposée identité vraie. Celle-ci, véritable mythologie de notre temps, est pensée comme tout à la fois substantialisée, cachée, et singulière. D’où l’importance des expériences identitaires par lesquelles les individus tentent de s’en approcher. On s’intéressera ici plus particulièrement, à partir d’une enquête sur les fans des Beatles, à la musique en tant que support identitaire spécifique.
Mots-clés : identité, individualisation, musique, fan, expérience identitaire.
Sylvain Aquatias
Se différencier ou se conformer : enjeux de la recherche en sociologie sur les cultures juvéniles, enjeux des cultures juvéniles… (p. 83–117)
Résumé :
Depuis quelques années, les sociologues qui étudient les cultures juvéniles s’opposent : d’un côté, on décrit un ensemble tendant à s’homogénéiser par la puissance des normes adolescentes ou à s’hétérogénéiser du fait d’un d’éclectisme généralisé, de l’autre on réaffirme la force primordiale des socialisations familiales et scolaires et des effets de distinction des goûts culturels. Les résultats de la recherche présentée ici montrent que c’est dans l’action conjointe des situations familiales, des parcours scolaires et des réseaux amicaux que se créent des zones d’influence plus ou moins puissantes, déterminées en grande partie par la cohésion sociale des différentes instances en présence. Ainsi, la qualité des relations avec les parents, les modes de scolarisation, les filières et la cohésion interne des groupes classes sont d’importants facteurs d’explication d’une emprise plus ou moins durable sur les goûts adolescents. Conformité et distinction prennent sens dans ces configurations d’influences.
Mots-clés : adolescents, culture, cultures juvéniles, transmission, écoute musicale, lecture, influence scolaire, distinction, conformité, socialisation.
Raymond Boudon
Aux racines de la « bonne sociologie » (p. 119–160)
Résumé :
Les travaux sociologiques considérés comme majeurs suivent trois règles communes à toutes les disciplines scientifiques. Elles sont à la racine du paradigme sociologique qui s’installe aujourd’hui sous l’étiquette de la sociologie analytique. Ces règles sont cruciales s’agissant de tous les sujets d’intérêt pour le sociologue. On le suggérera à l’exemple de l’explication que proposent des travaux sociologiques classiques et modernes des croyances collectives représentationnelles et normatives, de leur changement dans le temps et de leurs différences d’une société à l’autre.
Mots-clés : sociologie analytique, singularisme méthodologique, individualisme méthodologique, équilibre cognitif, croyances représentationnelles, croyances normatives, holisme méthodologique, liaison micro-macro, compréhension, rationalité.
Ulrich Beck
Une sociologie cosmopolite : esquisse d’un changement paradigmatique (p. 161–190)
Résumé non disponible.
Emmanuel d’Hombres
De la différenciation biologique à la différenciation sociale (XIXe-XXe siècles): quelques jalons historiques (p. 191–220)
Résumé :
Au XVIIIe siècle, « différenciation » est un terme de mathématique exclusivement. La différenciation nomme alors un procédé utilisé en analyse pour réduire le nombre de variables inconnues d’une équation. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que le terme commence sa carrière dans les sciences empiriques, biologie (embryologie puis anatomie comparée) tout d’abord, sciences sociales (anthropologie, sociologie et histoire) ensuite. Le vocable fait son apparition dans des travaux d’embryologie de langue allemande de l’époque romantique, marquée par la Naturphilosophie et récemment convertie au principe de l’épigenèse (principe de plasticité du développement); il est employé concurremment aux termes de complication et de composition progressive pour désigner un des aspects morphologiques du développement embryonnaire. Il faut cependant attendre la fin des années 1820 et la parution du premier volume de l’opus magnum d’Ernst Von Baer (Über Entwickelungsgeschichte der Thiere, 1828), pour voir le concept de différenciation accéder au statut épistémologique de concept modal principal en biologie du développement. Dans les années 1840, l’articulation des concepts de différenciation et de division du travail physiologique ouvrait la voie à l’extension du concept de différenciation au champ entier de l’anatomie comparée, et allait conduire de nombreux naturalistes à penser que le problème du fondement rationnel du lien entre différenciation et perfectionnement de l’organisation était en passe d’être enfin résolu.
À peu près à la même époque, le terme différenciation fait son entrée en science sociale; il va servir à exprimer l’aspect institutionnel du développement historique des sociétés. Aux belles heures de l’évolutionnisme culturel, la différenciation verra sa juridiction s’étendre au domaine des phénomènes morphologiques relevant de l’anthropologie (analyse comparée des sociétés) et de l’histoire (analyse comparée des formations historiques d’une même société). De la même manière qu’en biologie le niveau de différenciation traduit le degré de perfection atteint par une formation embryonnaire ou par un organisme achevé, en sciences sociales le niveau de différenciation indique la place occupée par une formation historique du passé ou par une société actuelle dans l’échelle de la civilisation. Le « doublet anatomo-physiologique différenciation / division du travail » est désormais un couple notionnel requis aussi bien pour la compréhension des modalités du développement embryonnaire que pour l’intelligibilité des modalités de l’évolution culturelle.
Nous nous attacherons dans cet article à esquisser les jalons d’une partie de l’histoire transdisciplinaire et complexe de ce concept de différenciation, dont les sciences sociales traitant du « développement » (économique, politique, social) sont aujourd’hui dans une certaine mesure héritière. Nous tâcherons ce faisant de montrer les bénéfices que peut en tirer l’historien des idées concernant la compréhension de la genèse de l’évolutionnisme culturel, en dégageant notamment le rôle joué par les doctrines naturalistes dites du parallélisme anatomo-embryologique dans l’étiologie de ce courant de pensée majeur des sciences sociales d’hier, et dont le présent ne laisse pas de porter quelque trace.
Mots-clés : différenciation, complication, division du travail, évolution, développement, perfectionnement, doublet anatomo-physiologique, parallélisme des séries.
Catherine Ghosn
Instances audiovisuelles françaises et programmation : la place des études sur la représentation des minorités ethniques à la télévision (p. 221–236)
Résumé :
Associer « représentation de la diversité ethnique » et « télévision » dans une juste mesure ne relève-t-il pas d’une impossibilité? Pour répondre à cette question, nous considérons d’abord les fondements scientifiques, souvent venus de l’étranger, qui ont déterminé la prise en compte d’objets « hors normes », différents de ceux habituellement traités en sciences sociales. En France, ces recherches restent majoritairement limitées au domaine universitaire et scientifique. Il faut attendre l’année 2000 puis l’année 2008 pour consulter les deux études menées par des chercheurs et destinées à des instances audiovisuelles. Quelles répercussions ces démarches et résultats scientifiques ont-ils concrètement sur la politique télévisuelle? Nous nous appuyons sur deux rapports rédigés par les instances audiovisuelles françaises pour évaluer dans quelles mesures ces intentions modifient effectivement le paysage audiovisuel.
Mots-clés : représentation, télévision, diversité ethnique, CSA, France Télévisions.
Anahita Grisoni
De la naturopathie rurale à la santé naturelle : distanciation et assimilation autour de la notion d’espace (p. 237–259)
Résumé non disponible.
Daniel S. Larangé
Francophonie et mondialisation, Anne-Marie Laulan et Didier Oillo (dir.), Paris, Centre national de la recherche scientifique (CNRS), 2008 (p. 261–289)