Volume 4, numéro 1, 2008

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Bernard Ancori

Espace-temps d’un réseau sociocognitif complexe. II : Temporalités historiques et entropie sociocognitive (p. 9–76)

Résumé :

L’espace d’un réseau sociocognitif complexe représenté dans un article précédent n’est qu’un épisode du temps de ce dernier dont les dimensions spatiales et temporelles sont ainsi indissociables. Sa dimension temporelle com­porte plusieurs aspects liés. En effet, le temps subjectif de chaque acteur observé et le temps objectif de l’observateur du réseau nécessitent l’introduction d’un troisième terme pour pouvoir être pensés en tant que temps. Ce troisième terme est le temps comme tel, sous lequel sont subsumés temps subjectif et objectif. Le temps subjectif est ici celui d’acteurs internes au réseau et le temps objectif celui d’un observateur de ce dernier. Les rôles de l’acteur observé et celui de l’observateur du réseau étant interchangeables, ce texte suggère d’associer au temps comme telle la forme topologique d’une bande de Moebius. Plus généralement, le temps comme tel prend la forme d’une structure feuilletée d’une infinité de bandes de Moebius ordonnées selon une hiérarchie croissante de raccordements entre niveaux d’organisation d’un réseau qui peut en comporter un nombre infini. Ce texte analyse les modifications de cette structure lorsqu’elle est réduite à trois niveaux d’organisation. Dans le cadre d’une certaine continuité des temps subjectif et objectif au sein du réseau, ces modifications s’appliquent à une bande de Moebius donnée. Tel est le cas des périodes de « science normale » dans l’analyse kuhnienne de l’évolution scientifique, ou plus généralement dans tout processus d’apprentissage n’impliquant pas de bouleversement majeur. Mais lorsque cette continuité est rompue, par exemple à l’occasion d’une révolution scientifique, d’une conversion religieuse ou de tout autre rupture majeure dans un processus d’apprentissage, la bande de Moebius elle-même se trouve changée.

Mots-clés : théorie de la connaissance, apprentissages situés, infor­mation combinatoire, infra-individualisme complexe, propension à ommuniquer, amas d’acteurs, présent spécieux, temps comme tel, équilibre informationnel et entropie, sémantique des mondes possibles, révolution scientifique (Kuhn).

Claude Vautier

La longue marche de la sociologie relationelle (p. 77–106)

Résumé :

L’avenir de la sociologie est-il, comme l’imagine Monique Hirshhorn dans un texte publié en 2000, dans l’introduc-tion d’une « démarche proprement phénoménologique », permettant de ne « pas réduire le “sujet” à l’acteur ration­nel » et dans un nouveau questionnement « sur la construction sociale du soi » et « sur les modes d’élabo­ration de l’identité »? Ou bien s’agira-t-il plutôt de s’orienter vers une sociologie de la relation à laquelle appelaient notamment Laflamme en 1995, Emirbayer en 1997 ou Donati en 2004, au sein de réseaux comme dans l’analyse structurale ou dans une construction de modèles trialectiques proposée par Laflamme pour qui seule la relation, la communication, fonde le social et l’humain, est le social et l’humain? C’est cette question qui est au centre de cet article qui essaie de montrer que l’évolution contemporaine de la sociologie va d’une sociologie des « substances » (« objets » ou « sujets ») vers une sociologie de la relation.

Mots-clés : acteur, analyse de réseaux, communication, conscience, individu, interaction, relation, réseaux, sociologie rela­tionnelle, sociologie du sujet, structure, sujet.

Denis Martouzet

Territoires de l’action publique spatiale et espaces réticulaires individuels : imbrication problématique (p. 107–139)

Résumé :

L’auteur examine les difficultés mais aussi les possibilités de prise en compte des espaces vécus pour l’élaboration de projets de territoire dans le cadre de la participation du public au projet. Les spatialités individuelles, connues selon une méthode d’enquête originale et réévaluant la notion d’espace vécu par celle d’espaces dits, n’ont ni une échelle ni une structure pouvant correspondre aux terri­toires institutionnels de l’action publique. L’habiter des individus est défini comme le mode et le contenu des justifications d’évocations d’espaces et de lieux fréquentés ou simplement pensés, justifications dont les différents types (qualification, explication, rationalisation) sont précisés. Cet habiter permet de distinguer, de façon archétypale, les individus qui se réfèrent prioritairement à un ou des modèles spatiaux construits pendant leur vie, de ceux qui, par opposition, se réfèrent à un ou des modèles de type relationnel (deux exemples sont détaillés). Ceux des premiers peuvent être pris en compte par les urbanistes, les autres beaucoup plus difficilement.

Mots-clés : aménagement, urbanisme, projet, territoire, individu, affectif, qualification de l’espace, rationalisation, espace vécu, espaces dits.

Simon Laflamme

Analyse statistique linéaire et interprétation systémique (p. 141–159)

Résumé :

La plupart des analyses statistiques sont construites selon une logique linéaire : analyses de variance, analyses de régression. Pourtant, bon nombre de ces analyses dépei­gnent des phénomènes dont l’interprétation théorique est impossible dans une logique linéaire; ces phénomènes appellent plutôt une théorisation de type dialectique. Plus encore : les techniques statistiques linéaires permettent communément des modélisations multivariées. Or, les associations entre variables qu’elles décrivent, même si elles sont statistiquement soumises à une logique linéaire, permettent aisément des interprétations systémiques. Ainsi, la linéarité de l’analyse statistique peut servir des théorisations relationnelles ou systémiques. C’est ce que voudrait illustrer cet article. Pour ce faire, il présentera les résultats de deux analyses empiriques effectuées avec des outils statistiques sur des phénomènes sociaux (rapport des jeunes à la communauté, usages des médias) et il montrera comment les objets qui sont dépeints ne peu­vent être théorisés adéquatement sans qu’on recoure à des notions de récursivité, de dialectique et de système.

Mots-clés : analyse statistique, analyse systémique, analyse relation­nelle, linéarité, théorie des systèmes.