Sur le thème : « Approche environnementale dans le secteur social et médico-social »
À partir des années 1960, et dans le but de tenir compte de la chronicité de certaines pathologies, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) envisage d’établir une classification des conséquences des maladies et des traumatismes. Considérant le handicap comme étant un désavantage social résultant directement d’un trouble médical, la Classification Internationale des Déficiences, Incapacités, Handicaps (CIDIH), adoptée en 1980[1], établit une relation de cause à effet directe entre la maladie et le handicap, tout en situant l’origine de ce dernier uniquement du côté de la personne[2].
La CIDIH ainsi que la Classification Internationale du Fonctionnement (CIF) qui la remplace en 2001[3] sont largement critiquées par plusieurs mouvements de défense des droits des personnes handicapées qui leur reprochent de faire porter le poids de la non-inclusion sociale (dépendante de ce que la société en question sous-entend par inclusion) uniquement sur les caractéristiques physiques ou mentales de la personne[4].
La perception selon laquelle le handicap est un phénomène individuel, véhiculée par ces classifications médicales qui sont largement relayées dans les politiques sociales de nombreux pays, empêche d’appréhender les phénomènes d’exclusion de manière générale. Plus encore, elle ne permet pas d’envisager l’exclusion (de l’espace, de la culture, de la société) ou de comprendre la responsabilité des classifications médicales susmentionnées dans la survenue même des situations de handicap.
Utilisée pour conceptualiser le mode de relation d’un objet à ce qu’il entoure[5], l’approche environnementale permet de s’affranchir d’une analyse indépendante et cloisonnée de la personne et de son milieu. En considérant le handicap comme étant un phénomène situationnel n’existant pas dans l’absolu mais apparaissant seulement dans l’interaction entre un individu, quelles que soient ses caractéristiques, et un environnement bloquant, le modèle du Processus de Production du Handicap (PPH) proposé par le Réseau International sur le Processus de Production du Handicap (RIPPH)[6] permet d’envisager de nouvelles perspectives d’analyse pour le champ de l’action sociale et médico-sociale. Elle permet également d’innover en ce qui concerne les façons d’accompagner des publics considérés comme vulnérables, fragiles, déviants ou inadaptés.
Si une personne est en situation de handicap car l’environnement physico-spatial annihile l’accessibilité des lieux dans lesquels elle souhaite se rendre, que l’environnement socio-culturel dans lequel elle évolue la rend vulnérable aux phénomènes de stigmatisation, de discrimination ou d’oppression[7], n’est-ce pas une erreur de proposer uniquement des actions d’accompagnement autocentrées ?
Si la question du handicap a été mobilisée comme moyen d’introduire et d’illustrer une façon d’intégrer l’approche environnementale dans le secteur social et médico-social, cet appel à articles dépasse le champ du handicap. En centrant la réflexion sur les relations multiples entre un individu, un groupe et son milieu, il souhaite faire émerger des propositions originales autour de l’environnement, que l’on peut alors solliciter de trois façons, minimalement : en tant que point de départ de l’analyse, en tant que déterminant de l’action, ou en tant que catégorie analytique représentant une échelle de classification des actions orientées vers les publics traditionnellement ciblés par les politiques sociales (sans-abris, migrants, délinquants, handicapés, consommateurs de drogues, etc.).
Ouvert à des propositions théoriques mais également méthodologiques s’appuyant sur des enquêtes contextualisées, cet appel à article s’adresse aussi bien à des universitaires qu’à des professionnels de terrain ayant expérimenté ou développé, au prisme de l’environnement, des approches d’accompagnement de publics ciblés par l’action sociale.
Sans exhaustivité, nous attendons des contributions traitant tout ou partie des thèmes suivants :
1. L’approche environnementale pour interroger les enjeux du secteur social, médico-social et des politiques sociales
Pourrons être acceptés ici des articles utilisant l’environnement pour proposer :
- une approche critique des politiques sociales et du fonctionnement du secteur social et médico-social, quel que soit le pays ou la région du monde ;
- une approche critique de l’importance des approches médicales pour traiter des questions sociales, pouvant dans certains cas conduire, comme pour l’exemple du handicap, à une vision réductrice et partielle des phénomènes à l’œuvre (essentialisme médical).
2. L’exemple de l’accompagnement social et médico-social pour questionner les rapports entre individu, groupe et environnement
Comme l’a fait le RIPPH sur la question du handicap en le considérant comme un phénomène apparaissant seulement dans l’interaction entre un individu et son environnement, les contributions s’appuyant sur l’environnement pour proposer une approche systémique, situationnelle et interactionnelle des phénomènes sociaux et médico-sociaux peuvent s’inscrire dans cet axe.
3. L’environnement comme échelle d’action et d’accompagnement social et médico-social
Face à des publics aux caractéristiques diverses, mais en interaction perpétuelle avec leur environnement, ce troisième axe s’adresse aux travaux ayant ayant déployé des méthodes permettant d’identifier les barrières environnementales spatiales, culturelles et sociales auxquelles ils peuvent être confrontés.
Au-delà du simple constat, les contributions se focalisant sur des actions d’accompagnement centrées sur l’environnement et qui visent à agir sur le milieu de la personne plutôt que sur la personne elle-même sont particulièrement attendues.
Soumission des articles
Les auteurs-trices intéressé-e-s par cette problématique annonceront leur projet à Meddy Escuriet (mescuriet@gmail.com) en mettant en copie Denis Martouzet (dmartouzet@laurentian.ca). Les articles seront expédiés aux mêmes adresses au plus tard au mois de septembre 2022. Ceux qui traverseront avec succès le processus d’évaluation par les pairs seront publiés dans le volume 18, numéro 2, de la revue, en mai 2023.
Consignes aux auteur(e)s
Merci de vous référer au guide de NPSS (http://npssrevue.ca/guide/). La revue accepte les articles allant de 6 000 à 15 000 mots environ incluant la bibliographie, les résumés, les annexes et les notes de bas de page.
[1] World Health Organization, International Classification of Impairments, Disabilities, and Handicaps: A Manual of Classification Relating to the Consequences of Disease, Genève, World Health Organization, 1980.
[2] Jean-François Ravaud et Patrick Fougeyrollas, « La convergence progressive des positions franco-québécoises », Santé, société et solidarité 4, no 2, 2005, p. 13‑27, https://doi.org/10.3406/oss.2005.1047 ; WINANCE, M., 2008, « La notion de handicap et ses transformations à travers les classifications internationales du handicap de l’OMS, 1980 et 2001 », Dynamis, vol. 28, p. 377‑406.
[3] World Health Organization, International Classification of Functioning, Disability and Health, Genève, World Health Organization, 2001.
[4] Patrick Fougeyrollas, La funambule, le fil et la toile Transformations réciproques du sens du handicap, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Société, cultures et santé », 2010.
[5] Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Belin, 2013.
[6] Patrick Fougeyrollas, op. cit.
[7] Meddy Escuriet, 2021, « La géographie et l’habiter pour identifier des situations de handicap : approche environnementale du handicap et évaluation d’un dispositif d’accompagnement médico-social », thèse de doctorat en géographie, Université Clermont Auvergne, 2021.
Sur le thème : « La montée des populismes au XXI e siècle »
À l’issue du premier tour de l’élection présidentielle française de 2022, les candidats classés sur les marges extrêmes de l’échiquier politique français, soit Marine Le Pen (Rassemblement national), Jean-Luc Mélenchon (France insoumise) et Éric Zemmour (Reconquête !) recueillaient respectivement 23,15 %, 21,95 % et 7,07 % des suffrages[1]. En d’autres termes, plus de la moitié de votants français avait exprimé son soutien à des candidats se présentant comme les porte-paroles des citoyens ordinaires qui, à tort ou à raison, se sentent ou s’estiment ignorés et même dupés depuis longtemps par les élites politiques et économiques jugées déconnectées des réalités quotidiennes. Ces résultats ne sont pas surprenants étant donné le soutien populaire important dont le mouvement des Gilets jaunes avait bénéficié dès son lancement contre la hausse du prix des carburants imposée en 2018 par le gouvernement d’Édouard Philippe, sous la présidence d’Emmanuel Macron, qualifié par certains de « Président des riches[2] ». La France n’est cependant pas le seul pays à être secoué par cette vague contestataire au cours de ces dernières années. Il n’est pas anodin de remarquer qu’une semaine avant le premier tour de l’élection présidentielle française, Viktor Orbán et son parti national-populiste Fidesz gagnaient les élections législatives hongroises pour une quatrième fois consécutive[3].
En effet, depuis le début du XXIe siècle, mouvements, partis et leaders considérés comme nationaux-conservateurs ou nationaux-libéraux prennent une place de plus en plus importante dans l’espace politique, non seulement en Europe, mais aussi sur le continent américain. On se souviendra du mouvement Occupy Wall Street et de celui des Indignés espagnols, qui voient le jour dans la foulée des politiques d’austérité adoptées en réponse à la crise économique et financière de 2008, et de leurs dénonciations des systèmes politiques et économiques néo-libéraux perçus comme profitant aux privilégiés et laissant pour compte les autres couches de la société[4]. Par ailleurs, on notera les succès électoraux des partis radicaux de gauche tels que la France insoumise, Podemos en Espagne et Syriza en Grèce, ainsi que ceux des partis d’extrême droite tels que l’Alternative pour l’Allemagne, les Démocrates de Suède et la Ligue du Nord en Italie, surtout depuis la crise migratoire de 2015 en ce qui concerne ces derniers[5]. De l’autre côté de l’Atlantique, la victoire inattendue de Donald Trump à l’élection présidentielle de 2016, les 74 millions[6] de voix qu’il reçoit quatre ans plus tard lorsqu’il brigue un second mandat et enfin l’assaut du Capitole, symbole de la démocratie américaine, signalent que cette montée des extrêmes n’est pas un léger malaise qui affecte les démocraties occidentales, mais bien une tendance lourde. Aucun pays ne semble être à l’abri de cette progression , pas même le Canada, une des démocraties libérales les mieux établies au monde, puisqu’il voit le Parti populaire de Maxime Bernier remporter près de 5 % des voix[7] lors de l’élection fédérale de 2021 et le Convoi de la liberté prendre sa capitale en otage au mois de février 2022.
D’une façon générale, tous les partis cités ci-dessus sont couramment considérés comme étant « populistes », c’est-à-dire, dans une acception préliminaire et peu étayée, fondés sur l’opposition du « peuple », qui serait paré de toutes les vertus, notamment démocratiques, aux élites corrompues. Cet appel à articles vise à éclaircir le concept ambigu de « populisme » identifié par différents chercheurs comme étant soit une idéologie, soit une stratégie de mobilisation ou bien un discours politique. Il vise aussi à faire le point sur la vague « populiste » qui déferle sur les démocraties occidentales depuis le début des années 2000 ainsi que les origines historiques proches ou plus lointaines de cette vague. Plus précisément, il cherche à analyser et à expliquer l’attrait des mouvements, partis et dirigeants « populistes » du XXIe siècle, les grandes idées et les discours qu’ils véhiculent, les stratégies de mobilisation et de communication qu’ils emploient et, enfin, ce qu’ils signifient pour la démocratie représentative traditionnelle.
Sans exhaustivité, nous invitons les chercheurs de disciplines diverses telles que la sociologie, l’histoire, la philosophie, les sciences politiques et la psychologie à soumettre des contributions utilisant différents cas d’étude, méthodologies et perspectives d’analyse et ayant trait aux thèmes suivants :
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Les populismes d’hier et d’aujourd’hui
Quels sont les liens entre les mouvements, partis et leaders populistes des XIXe et XXe siècles et ceux du XXIe siècle ? Dans quelle mesure leurs idées, discours, programmes et tactiques se ressemblent-ils ? Dans quelle mesure sont-ils différents ? L’essor actuel des populismes est-il une conséquence directe de la mondialisation ?
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La fracture entre le peuple et les élites
Quels sont les symptômes de la fracture entre le peuple et les élites politiques, économiques et financières ? Retrouve-t-on les mêmes symptômes dans différents contextes ? Comment explique-t-on cette fracture ? Dans quelle mesure les réseaux sociaux contribuent-ils à l’élargir ? Est-il possible de la réparer ? Si oui, comment ?
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Les populismes de gauche et de droite
Quelles sont les principales caractéristiques des mouvements, partis et dirigeants populistes du XXIe siècle ? Quels facteurs sociaux, économiques, culturels et psychologiques peuvent expliquer leur attrait ? Dans quelle mesure les analyses et discours des partis populistes de droite et de gauche se recoupent-ils ? Dans quelle mesure sont-ils divergents ? Quels sont leurs électorats respectifs ?
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Les populismes : « menace[s] ou correctif[s][8]» à la démocratie représentative?
En fin de compte, quel danger la vague populiste des vingt dernières années représente-elle pour les jeunes démocraties ainsi que les démocraties les plus établies ? Serait-il possible qu’elle représente aussi une opportunité de repenser et réformer fondamentalement la démocratie représentative traditionnelle ? La démocratie participative pourrait-elle endiguer la vague populiste traversant les démocraties occidentales ?
Soumission des articles
Les auteur(e)s intéressé(e)s par cette problématique annonceront leur projet à Jocelyne Praud à l’adresse suivante : Jocelyne.Praud@viu.ca, en mettant Denis Martouzet en copie (dmartouzet@laurentian.ca). Les articles seront expédiés aux mêmes adresses au plus tard au mois de février 2023. Ceux qui traverseront avec succès le processus d’évaluation par les pairs seront publiés dans le volume 19, numéro 1.
Consignes aux auteur(e)s
Merci de vous référer au guide de NPSS (http://npssrevue.ca/guide/). La revue accepte les articles allant de 6 000 à 15 000 mots environ incluant la bibliographie, le résumé, les annexes et les notes de bas de page.
[1] Ministère de l’Intérieur, « Élection présidentielle : les résultats du premier tour », Gouvernement de France, 11 avril 2022, https://www.gouvernement.fr/actualite/election-presidentielle-les-resultats-du-premier-tour, site consulté le 2 mai 2022.
[2] Doron Shultziner et Irit S. Kornblit, « French Yellow Vests (Gilets Jaunes): Similarities and Differences with Occupy Movements », Sociological Forum, vol. 35, n° 2, 2020, p. 535-542.
[3] « Viktor Orbán s’impose pour la quatrième fois consécutive aux élections législatives en Hongrie », Fondation Robert Schuman, 4 avril 2022, https://www.robert-schuman.eu/fr/oee/1967-viktor-orban-s-impose-pour-la-quatrieme-fois-consecutive-aux-elections-legislatives-en-hongrie, site consulté le 2 mai 2022.
[4] Abby Peterson, Mattias Wahlström et Magnus Wennerhag, « European Anti-Austerity Protests: Beyond ‘Old’ and ‘New’ Social Movements? », Acta Sociologica, vol. 58, n° 4, 2015, p. 293-310.
[5] Pablo Castaño, « Populismes de gauche en Europe : une comparaison entre Podemos et la France insoumise », Mouvements, n° 96, 2018, p. 169-180 ; Nuria Font, Paolo Graziano et Myrto Tsakatika, « Varieties of Inclusionary Populism? SYRIZA, Podemos and the Five Star Movement », Government and Opposition, vol. 56, n° 1, 2021, p. 163-183 ; Manès Weisskircher, « The Strength of Far-Right AfD in Eastern Germany: The East-West Divide and the Multiple Causes behind ‘Populism’ » The Political Quarterly, vol. 91, n° 3, 2020, p. 614-622 ; Anders Hellström, Tom Nilsson et Pauline Stoltz, « Nationalism vs. Nationalism : The Challenge of the Sweden Democrats in the Swedish Public Debate », Government and Opposition, vol. 47, n° 2, 2012, p. 186-205 ; Manuela Caiani, « The Populist Parties and their Electoral Success Different Causes behind Different Populisms? The Case of the Five-star Movement and the League », Contemporary Italian Politics, vol. 11, n° 3, 2019, p. 236-250.
[6] « U.S. Presidential Election Results 2020: Biden Wins », NBC News, 12 avril 2022, https://www.nbcnews.com/politics/2020-elections/president-results, site consulté le 2 mai 2022.
[7] Elections Canada, « September 20, 2021: General Election National Results », https://www.elections.ca/enr/help/national_e.htm, site consulté le 2 mai 2022.
[8] Cas Mudde et Cristóbal Rovira Kaltwasser, Populism in Europe and the Americas: Threat or Corrective for Democracy? New York, Cambridge University Press, 2012.